Marin Chatelain est d’abord parti faire ses « humanités » dans l’hémisphère sud avant de revenir à Montigny-les-Arsures, village arboisien qui abrite le domaine créé par ses parents dans les années 1980.
Formé à Mâcon-Davayé en Bourgogne, Marin souhaitait se confronter à d’autres contextes viticoles. Il a eu la chance de vinifier en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Afrique du Sud pour des domaines prestigieux.
Chez Burn Cottage dans le district de Central Ottago - région la plus froide de Nouvelle-Zélande - Marin a pu travailler avec les méthodes biodynamiques associées à des moyens matériels et humains « haute couture ». Au pays des kiwis, il a vinifié de très bons pinots noirs en se familiarisant avec des cuvaisons à 100 % ou pour partie en grappes entières. Il en fut de même avec le grenache noir en Australie.
Depuis 2015, Marin revenait chaque année pour les vendanges vinifier à Arbois. De retour dans le Jura en 2020, le vigneron - aidé de ses parents Raphaël et Adeline - a entamé la conversion officielle des 17 hectares du domaine à l’agriculture biologique et orienté les vinifications vers un style plus ciselé.
Marin apprécie de vinifier les cépages rouges arboisiens que sont le ploussard (ou poulsard), le trousseau et le pinot noir car ils supposent une plus grande créativité.
La cuvée No Sin Tou Tsefs (assemblage des trois cépages rouges) est une volonté du vigneron de produire un vin joyeux qui associe la fraîcheur du ploussard, le velouté du trousseau et le caractère épicé du pinot noir jurassien. « On peut plus facilement jouer sur les durées de cuvaisons avec les cépages rouges, que pour les blancs, pour lesquels il y a moins de chose à faire », constate le vigneron. « Les vins blancs doivent provenir de grands terroirs qui sont légion dans le Jura », souligne Marin. Les sols de marnes du Lias mais aussi du Trias, typiques des terroirs jurassiens, donnent des raisins pauvres en azote dont les moûts fermentent lentement.
Les grappes de chardonnay ou de savagnin sont pressées entières avec leurs rafles qui font office de drains. Les pressurages génèrent peu de bourbes. Les moûts fermentent avec les levures indigènes en fûts de 500 l, en foudres ou en œufs béton et sont élevés dans les mêmes contenants durant un an. Ils sont ensuite soutirés et assemblés en cuves inox durant six mois supplémentaires. Les élevages se font avec la quasi-totalité des lies. Cela donne naissance à des vins blancs aux profils réducteurs et aux arômes fumés, grillés et iodés, révélateurs du terroir jurassien dans leur version ouillée.
Les savagnins élevés sous voile ainsi que les vins jaunes à la chair plus opulente sont issus de vignes âgées d’un minimum de trente ans. Les saveurs de curry, de pomme verte et de citron que l’on retrouve dans ces vins sont l’occasion d’associations merveilleuses avec le comté, la poularde aux morilles mais aussi la cuisine indienne ou plus insolite le kimchi coréen.
Chaque millésime est l’occasion d’apprécier la progression du vigneron dans la connaissance de ses terroirs. Marin est fier de son héritage familial. « Nos ploussards du lieu-dit Fertans à Montigny - plantés en 1953 -, nous donnent des vins étonnamment tanniques pour ce cépage », précise Marin. De même, la parcelle les Capucins est issue de melon à queue rouge, une ancienne sélection de chardonnays jurassiens aux saveurs exotiques.