Originaire de Chambéry, Matthieu Goury a grandi au sein d’une famille de paysans polyculteurs. « Comme nous avions des bêtes et des vignes, nous avons toujours fait du vin avec mon grand-père, aussi je me suis orienté vers les métiers de la vigne », explique Matthieu. Après de multiples expériences en Australie, au Canada, dans le Rhône puis en Savoie, il a créé son domaine à l’âge de 34 ans, avec sa compagne Guillemette Renard.
Le couple s’est installé en 2016 avec 6,5 ha de vignes. « Toutes nos parcelles sont en location car, en Savoie, les gens ne vendent pas facilement leurs terres, c’est sentimental ».
Le vignoble a subi une très forte pression de mildiou en 2016 et gelé à 90 % en 2017, aussi Matthieu et Guillemette ont choisi de porter leurs surfaces à 13,5 ha et de vendre une partie de leur récolte au négoce. C’était la seule alternative alors qu’aucune banque n’acceptait de financer leur trésorerie. « Travailler le double de surface a été très difficile, mais cela nous a remis à flot et, à terme, l’objectif est de vinifier toute notre production ».
Le domaine a entamé sa certification biologique en 2017 et l’essentiel du travail est effectué à la main. Les cépages cultivés par le domaine sont, en rouge, la mondeuse (majoritaire), suivie du pinot noir et du gamay. En blanc, la jacquère domine, complétée par l’altesse (roussette), le chardonnay et la mondeuse blanche. En outre, Guillemette et Matthieu viennent de planter 30 ares de bergeron (roussanne). « Ce dernier est présent dans la région depuis fort longtemps. Il a été « relancé » dans les années 1970, mais il faut rappeler que nous avons beaucoup de liens avec le Rhône septentrional, où la jacquère est cultivée sous le nom de cugnète. Quant à notre mondeuse blanche, c’est la mère de la syrah et du viognier ! » ajoute Matthieu, avec un brin de chauvinisme. « De par leur histoire, les Savoyards sont dotés d’un esprit d’indépendance bien ancré. Après tout, ils ne sont Français que depuis 1860 ».
L’altitude du vignoble varie de 350 à 600 m pour les cépages blancs, tandis que pour les rouges elle ne dépasse pas les 450 m. La mondeuse ne mûrirait pas au-delà ! Les jacquères plantées sur des terroirs argileux autour du domaine sont classées en Vin de Savoie. Mais, deux hectares de ce cépage plantés sur un sol calcaire caillouteux (vignes de plus de 70 ans, orientées nord-est) bénéficient de la dénomination Apremont. Les mondeuses situées dans la Combe de Savoie poussent sur des sols argilo-calcaires. Quant au cru Saint-Jean-de-la-Porte, les mondeuses, de 40 ans en moyenne, plantées sur des argiles rouges riches en fer et en quartz, plongent leurs racines dans la roche mère calcaire.
Matthieu effectue un ébourgeonnage sévère qui donne des rendements faibles dignes des plus grands crus. Seule cette pratique permet de récolter des raisins équilibrés entre matière, sucres et acidité. Les densités de plantation sont élevées, entre 8 et 10000 pieds/ha sur la totalité du domaine. Ainsi, le couple Goury-Renard récolte ses cépages rouges entre 20 et 25 hl/ha et ses blancs de 35 à 40 hl/ha pour les jacquères et de 25 à 30 hl/ha pour les roussettes. Selon le vigneron, le jour de récolte est d’une importance capitale « si l’on souhaite que les acidités ne soient pas diluées. Un jour de plus et l’équilibre risque d’être rompu. »
En 2017, après les vendanges, les mondeuses de la cuvée Saint-Jean-de-la-Porte ont été éraflées à 100 %. Seuls deux remontages quotidiens au moment fort de la fermentation ont été effectués, afin d’oxygéner les levures. Cependant, il n’a été procédé à aucun pigeage qui durcirait les vins. Dans une optique de qualité, les élevages, réalisés en vieux foudres alsaciens, peuvent se prolonger jusqu’à trois ans dans les deux couleurs. Par exemple, les vins blancs sont attendus deux ans pour les jacquères et trois pour les roussettes. Aucune filtration n’est effectuée depuis 2019.
« La pluviométrie (1200 mm par an) et le calcaire de nos terroirs donnent des vins tendus et de faible degré alcoolique. Un avantage en période de réchauffement climatique », souligne Matthieu. « Sur les 2000 ha que compte le vignoble savoyard, 17 % des surfaces sont cultivées en bio. C’est plus que la Bourgogne ! Nous observons une dynamique d’installations (14 en 2022) de vignerons en bio très stimulante. La Savoie bouge beaucoup », se réjouit Matthieu Goury. Des vignerons de son acabit ne peuvent que susciter de belles vocations.