Le domaine Charvin, aux mains de la même famille depuis 1851, a longtemps vendu son vin au négoce. En 1990, Laurent Charvin, âgé de 21 ans, a commencé à vinifier aux côtés de son père et à mettre en bouteilles sa production. A l’inverse des vins démonstratifs, très en vogue à cette époque, il s’est attelé à produire les vins les plus équilibrés possible. Pour cela, Il a choisi de vinifier en grappes entières, sans utiliser de chêne afin de préserver la singularité de son terroir.
Le domaine de 33 ha est situé dans une zone froide au nord-ouest de l’appellation Châteauneuf-du-Pape, sur le versant nord du plateau de Mont-Redon. Les sols sont constitués de galets sur argiles sur le haut des versants et de sables purs dans les bas de coteaux. Le vignoble se répartit entre 20 ha de Côtes-du-Rhône (dont quelques très vieilles vignes), 11 ha de Châteauneuf-du-Pape (vignes d’une moyenne de 45 ans), ainsi que 2 ha en IGP Vaucluse. Le grenache noir représente 85% de l’encépagement, il est complété par le mourvèdre (5%), la syrah (5%), le vaccarèse, la counoise ainsi que le carignan pour les côtes-du-rhône.
Laurent Charvin qui est né sur le domaine, considère qu’il fait « partie intégrante du terroir ». Par volonté de le respecter et de révéler son potentiel, il s’est passé très tôt (dès 1995) de désherbants. Il a entrepris un travail exigeant à la vigne qui a abouti à la certification biologique du domaine en 2013. Sa conception de l’agriculture bio dépasse de beaucoup les exigences du label vert, c’est « un chemin de vie », déclare le vigneron. « Il faut 15 ans pour récolter le fruit de notre travail ». Laurent remarque que ses vins ont « gagné en élégance ». Leur structure semble plus apaisée.
La vendange est effectuée à la main. Les rendements sont en moyenne de 40 hl/ha en Côtes-du-Rhône et de 30 hl/ha pour les vignes de Châteauneuf-du-Pape. Tous les vins sont vinifiés selon les mêmes principes. Aucun contenant en bois n’est utilisé. Après un léger foulage, les raisins sont encuvés avec l’intégralité de leurs rafles. Le fait de vinifier avec ces dernières contribue à donner de la fraîcheur et un caractère sèveux aux vins du domaine. Un seul remontage par jour est effectué afin de favoriser une extraction des tanins en douceur. Le domaine est équipé de drapeaux qui permettent de refroidir aisément les cuves, afin d’éviter toute flambée des températures.
« Nous avons de très bonnes synergies de fermentations, aussi le gaz carbonique nous préserve de tout problème », explique Laurent. Ainsi le soufre n’est utilisé qu’après la fermentation malolactique. « Il y a bien plus de risques de déviations microbiennes au cours de l’élevage que durant les fermentations », précise le vigneron. Fermentation et macération durent trois semaines. « Le 15 octobre, les sucres sont terminés et « les malos » s’enclenchent dans la foulée des fermentations alcooliques ».
Les vinifications durent de 17 à 25 jours. 23 jours en 2019 pour les grenaches et 20 jours pour la syrah. Les vins sont élevés en cuves béton pendant 21 mois. Ils ne sont ni collés, ni filtrés. Les bouteilles restent ensuite 5 mois en cave climatisée avant d’être commercialisées. Environ 40 000 bouteilles de Châteauneuf-du-Pape sont produites chaque année.
A l’opposée de toute flatterie, le domaine a toujours élaboré des vins qui demandaient un peu de temps pour se révéler en dégustation. Contrairement à la multiplication des cuvées qui est devenue la marque de fabrique de l’appellation, Laurent Charvin n’élabore qu’une seule cuvée de Châteauneuf-du-Pape. Aujourd’hui, Il est parvenu à son objectif, ses vins se révèlent voluptueux et raffinés dès leur jeunesse, tout en conservant une vraie capacité de garde. Le côtes-du-rhône pourrait se glisser dans une dégustation de châteauneuf-du-papes. Quant au châteauneuf-du-pape, il fait désormais partie de l’élite de l’appellation.